Les ministres Agnès Buzyn et Marlène Schiappa ont visité l’unité d’accompagnement post-traumatique. Qui devient « site-pilote » sur les violences conjugales au niveau national.
Aulnay-sous-Bois, ce vendredi 23 novembre. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et Marlène Schiappa, Secrétaire d’état en charge de l’égalité femmes-hommes, à l’hopital Ballanger. LP/TP
« La famille ne doit plus être synonyme de violences! » Parole de ministres. Ce vendredi, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité femmes-hommes, étaient à l'hôpital Ballanger, à Aulnay, pour visiter l'unité spécialisée dans l'accompagnement des victimes de psycho-traumatisme (USAP). Dédié à l'accompagnement des femmes victimes de violences conjugales, le lieu vient d'être retenu comme l'un des dix « sites-pilote » en la matière, en France. A la clé : 400 000 €/an pour développer l'action des quatre psychologues qui y travaillent.
« Nous avons commencé à travailler sur l'accompagnement des victimes de violences intra-familiales il y a dix ans. A cette époque, j'étais aux urgences et me suis rendue compte qu'une fois leurs plaies physiques soignées, elles n'étaient pas accompagnées, ni médicalement, ni juridiquement », se souvient Fatima le Griguer, coordinatrice de l'USAP, et à l'origine du projet.
511 passages en 2017
Au fil du temps, une équipe de quatre psychologues - dont trois détachés à temps partiel du service psychiatrie - s'est constituée. Le service a officiellement ouvert fin 2016. Il est dédié à toutes les victimes nécessitant un accompagnement post-traumatique : accidents de la route, attentats, catastrophes naturelles… « Mais 75 % de notre activité concerne les femmes victimes de violences ou d'agression sexuelles de la part de leur conjoint », résume Fatima Le Griguer. Au total, en 2017, l'unité a enregistré 511 passages.
« Le non-traitement des séquelles post-traumatiques a un lourd coût social et médical : troubles du sommeil, irritabilité, phobies, dépressions, un taux de suicide 4 fois plus fréquent, une reprise du travail très difficile », rappellent les médecins.
Une prise en charge globale de la victime
« Créer et aider financièrement ces centres d'accompagnement post-traumatiques (NDLR : 10 en France) doit aussi permettre de structurer la recherche sur le sujet », ajoute Agnès Buzyn, qui voit dans les violences conjugales un « sujet de santé publique ».
Par ailleurs, un « protocole féminicide » a été mis en place à l'hôpital Ballanger. Il s'agit, dès son arrivée aux urgences, de mieux prendre en charge une patiente victime d'une tentative de féminicide, avec une évaluation sur le plan médical et psychologique. « Sur la sémantique, c'est essentiel de créer un protocole dédié au féminicide : cela rend visibles les femmes qui en sont victimes », explique Marlène Schiappa, qui rappelle que ce dimanche 25 novembre est organisée la « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes ».
«MON MARI M'A VIOLÉE PENDANT 11 ANS. DEPUIS, J'AI PEUR CHAQUE SOIR…»
Shamsi, 59 ans, patiente de l'USAP, victimes de viols et de violences conjugales.
La vie toute entière de Shamsi est un calvaire. Une souffrance qui commence tout juste à s'atténuer, à 59 ans, grâce aux heures passées dans l'USAP du docteur Fatima Le Griguer. « Je suis tombée amoureuse à 19 ans d'un homme, en Iran, mon pays d'origine. On s'est marié. Ma famille était contre : elle disait qu'elle allait porter le deuil… Je ne savais pas encore à quel point ils avaient raison ! »
Il la viole cinq fois durant sa nuit de noces
Dès la nuit de noces, son mari la viole. Cinq fois. « Il m'a attachée au lit, par les pieds et les mains. J'étais couverte de sang », raconte Shamsi. Toutes les nuits, le calvaire reprend. « Il me disait que si je partais, il tuerait ma sœur », poursuit-elle. Deux enfants naissent de ces viols. « J'aurais dû en avoir un troisième, mais à six mois de grossesse, il m'a frappée et j'ai accouché d'un nourrisson mort-né », explique-t-elle encore.
Au bout de 11 ans, Shamsi réussit à imposer un divorce, mais son « mari » menace de garder les enfants. « Je ne savais plus quoi faire, mes enfants avaient besoin de moi. Alors elle se re-marie avec lui. » Elle réussira finalement à s'extraire de ce calvaire en 1992.
« C'était une femme brisée, elle ne l'est plus »
« J'ai quitté le pays en lui laissant tous mes biens mobiliers, mon argent. J'ai pris mes deux fils et je suis partie pour Paris », raconte la quinquagénaire. Qui, depuis, « a peur dès que le soir pointe ». « Je crois que tout le monde me veut du mal… » Cela fait dix ans qu'elle est soignée par le Fatima Le Griguer. « Elle prend petit à petit conscience que rien n'est de sa faute, qu'elle est une victime, pas coupable, aux yeux de ses enfants qui ont subi cela. On avance. C'était une femme brisée, elle ne l'est plus. »
Par Thomas Poupeau
Article à retrouver sur le site de Le Parisien