top of page

On se lève, on se casse et on nous écoute - Épisode 5



« Ma tante était la 107e femme tuée en 2018 »

Marie a été poignardée par son ex-compagnon devant ses enfants. Qui ont pu être pris en charge dans le cadre du « protocole féminicide ».


A Adelina vivait avec sa tante et ses cinq enfants, mais elle n’était pas à la maison le jour de son meurtre, et cela la ronge. La jeune femme de 23 ans garde en elle une culpabilité toujours présente face à cette absence. Le 15 novembre 2018, à Aubervilliers, sa tante, Marie, 28 ans, est poignardée par son ex-compagnon, devant plusieurs de ses enfants. Le « protocole féminicide » est alors déclenché pour sa fille de 8 ans, son garçon de 4 ans et ses triplés de 9 mois. Dans ce cadre, comme à chaque activation du protocole, une ordonnance de placement provisoire de huit jours à l’hôpital Robert-Ballanger, à Aulnay-sous- Bois (Seine-Saint-Denis), est prise par le parquet. Dans le service pédiatrie, pédopsychiatres, psychologues, psychomotriciens, éducateurs et éducatrices prennent en charge les enfants. Des « accompagnantes grands- mères », professionnelles de l’enfance à la retraite pour la plupart, sont présentes 24 heures sur 24. « Ma tante, c’était la 107e femme tuée de 2018, la 107e famille touchée, se désole Adelina. Je vivais avec elle pour l’aider à s’occuper des enfants. Ce jour-là, je n’étais pas là, ça m’a beaucoup affectée dans leprocessus de deuil.J’étais très proched’elle et elle me répétait “il va me tuer”,donc je me sens responsable, ça me rend malade.»


Les enfants de Marie ont reçu un suivi thérapeutique quotidien individuel et en groupe dans le cadre du « protocole féminicide»

Les jours suivant le féminicidede sa tante, Adelina est autorisée par la justiceà avoir un droit de visite, dans le cadre du protocole, de ses cousins et cousines.« Le juge m’a permis de les voir pour que les enfants puissent garder leurs repères. Ma mère et moi, on était très proches de ma tante. J’ai donné des astuces aux soignants pour différencier les triplés. Avec ma mère, nous avons pu dormir à l’hôpital avec eux, être là à des rendez- vous… » Adelina signale que le protocoledevrait être mis en place partout en France : « Est-ce une chanceque ma tante soit morte en Seine-Saint-Denis ? C’est triste, car on en vientà se dire ça. »

À l’Unité spécialisée d’accompagnement du psychotraumatisme, la famille, les proches, les voisins de victimes de féminicides peuventêtre accompagnés — Photo Marion Péhée pour Les Jours.



Texte : Sophie Boutboul

Photo : Marion Péhée

Édité par : Lucile Sourdès-Cadiou

Éditeur Les Jours est édité par la société Les Jours SAS.

Logo Aid'elles
bottom of page